Mémorial d’Osthofen

Premier camp de concentration officiel de l’État pour le ‹ Volksstaat Hessen Rheinhessen, Starkenburg, Oberhessen › dans le Reich allemand. Du 6 mars 1933 à juillet 1934, 3.000 jeunes hommes qui avaient résisté au régime nazi pour des raisons politiques, religieuses et éthiques furent emprisonnés dans le hall d’une usine à papier désaffectée. L’emplacement juste à côté de la gare et la proximité de la ville industrielle de Worms avaient parlé en faveur de la ville. Avant 1933, c’était un bastion du mouvement ouvrier, dont les membres furent persécutés, arrêtés, torturés et assassinés en tant que premiers ‹ opposants › par les nazis après leur arrivée au pouvoir. Le Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP) d’Osthofen avait anticipé les choses et, après les élections au Reichstag du 6 mars 1933, qui leur avaient apporté la majorité, avait emprisonné presque tous les membres du conseil municipal du SPD dans une usine à papier désaffectée. Le camp de concentration d’Osthofen fut officiellement ouvert le 1er mai 1933.

Document sur le monument d’Osthofen

 

Contact

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Ziegelhüttenweg 38
67574 Osthofen
Allemagne

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Heures d’ouverte :
Du mardi au vendredi : de 9 h à 17 h.
Le week-end et jours fériés : de 13 h à 17 h

Visites guidées pour groupes et classes scolaires sur rendez-vous
Visites guidées publiques
Tous les premiers dimanches du mois à 14 h 30
Point de rendez-vous : dans le foyer du mémorial. Il n’est pas nécessaire de s’inscrire avant.

Förderverein Projekt Osthofen e.V.
Ziegelhüttenweg 38
67574 Osthofen
Allemagne

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Biographies

Carlo Mierendorff (1897 – 1943)
Du 21 juin au début du mois de novembre 1933, il fut emprisonné dans le camp de concentration d’Osthofen, où un SS de Darmstadt le présenta à son arrivée : ‹ Voici votre représentant syndical. › Ceci valut au politicien du SPD de graves maltraitances.

Max Tschornicki (1903 – 1945)
L’avocat juif Max Tschornicki de Mayence avait osé critiquer le décret de l’incendie du Reichstag en mars 1933. Il fut enfermé à Osthofen et parvint à s’échapper le 3 juillet 1933. Il se réfugia en Sarre. Après le 13 janvier 1935, il s’enfuit en France dans la zone libre. Il fut arrêté par la Gestapo le 11 août et déporté via Lyon vers Auschwitz. Il mourut le 21 avril 1945 dans le camp annexe d’Allau.

Willy Vogel (1898 – 1989)
Willy Vogel, chef de district du KPD, s’enfuit d’Osthofen vers la Sarre peu après son arrestation et son interrogatoire brutal. De là, après le 13 janvier 1935, il se rendit en France. Il lutta contre le régime franquiste pendant la guerre civile espagnole. Après la défaite des Républicains, il dut fuir à nouveau, fut interné plusieurs fois et rejoignit l’armée britannique au Maroc en 1944. Il retourna à Worms via Alger, Palerme et Naples.

Plus de biographies sur http://www.projektosthofen-gedenkstaette.de/index.php?page=7

Anna Seghers, La Septième Croix (1939)
Née à Mayence sous le nom de Netty Reiling et connue sous le pseudonyme d’Anna Seghers (1900 – 1983) en 1939, elle publia son roman La Septième Croix, qui connut un grand succès international. Issue d’une famille appartenant aux classes moyennes supérieures et instruites, elle avait fait ses études à Heidelberg et obtenu son doctorat sur les Juifs et le judaïsme dans l’œuvre de Rembrandt. Ceci peut expliquer le nom de plume que l’artiste adopta par la suite. Il peut faire allusion à un contemporain de Rembrandt, le peintre Hercules Seghers. Elle rompit les liens avec sa famille en raison de son mariage avec le révolutionnaire et communiste hongrois Laszlo Radvanyi. Fuite en France en 1933.

1900
naissance à Mayence, Allemagne

1920 – 1924
études à Heidelberg

1925
mariage avec Laszlo Radvanyi

1928
adhésion au KPD, 1929, adhésion à la Fédération des écrivains prolétariens-révolutionnaires (BPRS)

1933
détention par la Gestapo et fuite à Paris

1937 – 1939
début des travaux sur le roman La Septième Croix

1940
invasion des troupes allemandes, fuite de France pour s’exiler à Mexico

1944
Le réalisateur austro-américain Fred Zinnemann a tourné un film adapté du roman

1947
retour à Berlin-Est

1952 – 1976
présidente du Schriftstellerverband (Union des écrivains)

1983
mort à Berlin

Le camp de concentration d’Osthofen servit de source d’inspiration pour le camp de concentration de Westhofen fictif du roman. Son environnement, le paysage et les gens correspondent à la région de Worms. Le roman décrit comment les opposants politiques furent traités dans la région de Rheinhessen. Sept prisonniers s’enfuient du camp de Westhofen. Tous se font prendre ou meurent pendant leur fuite. Seul un parvient à s’échapper. La septième croix prévue pour lui dans la cour du camp brûle.

 

La Septième Croix (1939), chapitre deux :

Quand le camp de Westhofen avait ouvert plus de trois ans auparavant, quand on avait construit les baraquements et les murs, quand on avait tendu les barbelés, quand les gardes avaient pris leur poste, quand la première colonne de prisonniers avait été entraînée sous les rires et les coups de pied (…), quand on avait entendu des cris dans la nuit, puis un hurlement et deux ou trois coups de feu, tout le monde avait commencé à s’inquiéter. On se signait devant un tel voisinage. Parmi ceux que leur travail faisait faire un détour au loin, plusieurs virent assez rapidement les condamnés travailler à l’extérieur sous surveillance. Certains s’étaient dit : « Les pauvres diables. » (…) Une fois, un jeune marin insulta ouvertement le camp. Ils l’attrapèrent immédiatement. Il fut enfermé pendant quelques semaines pour qu’il pût voir ce qui se passait à l’intérieur. Lorsqu’il ressortit, il avait l’air étrange et ne répondit à aucune question. Il avait trouvé du travail sur une péniche et, plus tard, comme le racontèrent ses proches, il resta en Hollande, ce qui étonna le village à cette époque. Une fois, deux douzaines de prisonniers furent amenés en passant par Liebau. Avant même d’arriver, ils étaient dans un état tellement épouvantable que les gens étaient horrifiés ; une femme du village alla même jusqu’à pleurer. Mais le soir, le nouveau jeune maire du village ordonna à la femme, qui se trouvait être sa tante, de venir le voir. Il lui fit comprendre qu’en pleurant, elle nuirait jusqu’à la fin de ses jours non seulement à elle-même, mais aussi à ses fils, qui étaient également ses cousins, ainsi qu’à un père qui était également son beau-frère. En général, les jeunes du village, garçons et filles, avaient réussi à expliquer à leurs parents la raison d’être précise du camp et à qui il était destiné. Des jeunes qui voulaient toujours tout savoir mieux que tout le monde ; seulement, autrefois, c’était le bien que les jeunes voulaient mieux connaître ; maintenant, c’était le mal qu’ils connaissaient le mieux. Comme on ne pouvait rien faire contre le camp, on conclut toutes sortes de marchés portant sur des légumes et des concombres et on se livra à toutes sortes de trafics utiles, comme il en va toujours quand beaucoup de gens sont rassemblés au même endroit et qu’il faut les nourrir. 

 

Témoin contemporain

Eleonore « Lore » Wolf, née Winkler (1906 – 1996)
amie et collaboratrice d’Anna Seghers pendant ses années d’exil à Paris. Lore Wolf rédigea la première version complète et propre du roman La Septième Croix. Elle était active de 1933 à 1935 pour le Parti communiste et l’Aide internationale rouge (IRH) dans la région de la Sarre. Elle aida ses camarades qui fuyaient les persécutions du régime nazi et, en vue du prochain vote du 13 janvier 1935, les mit en garde contre la réintégration dans le Reich allemand. Après la défaite des partisans du statu quo, Lore Wolf dut s’enfuir. Au dernier moment, elle se faufila par un trou dans le mur du cimetière de Sarrebruck, non loin du futur camp de police de la Neue Bremm. Elle passa de l’autre côté de la frontière, à Forbach, et de là, elle joignit Paris.

Il y a presque cinquante ans, au début de 1935, j’ai rencontré Anna Seghers à Paris… (…) C’est à cette époque qu’elle a écrit son livre La Septième Croix. Elle se vouait à ce travail corps et âme. Souvent, je la voyais assise dans les murmures de la foule au Café de la Paix ou dans un petit café à Montparnasse. Elle avait les cheveux dans la figure, mais cela ne la dérangeait pas. Elle écrivait sans relâche. Le crayon courait sur le papier, et le manuscrit grandissait. Chaque semaine, je m’apportais un paquet de feuilles que j’utilisais pour mettre sa production au propre. Comme il était parfois difficile de déchiffrer ses gribouillages, de m’y retrouver dans le labyrinthe des passages barrés et des griffonnages qui se pressaient entre deux lignes ! Et pourtant, j’aimais faire ce travail. Profondément émue et choquée, j’ai découvert ce qui se passait dans mon pays natal, j’ai vécu la naissance de cette œuvre mondialement connue, qu’Anna Seghers a terminée peu avant la Seconde Guerre mondiale. (…) En 1945, après ma libération par les Alliés, j’ai tout fait pour savoir ce qu’était devenue Anna. En vain ! Mais le 30 septembre 1946, j’ai reçu une lettre du Mexique. Anna m’écrivait : (…) Ah, notre Septième Croix ! Bizarrement, elle rencontre ici un succès incroyable. Comme tu es déjà venue, tu connais le charme diabolique de la publicité sur ce continent. J’ai parfois pensé à écrire ton nom dans le livre pour notre travail commun, mais une peur pieuse m’en a empêchée.
[Erinnerungen an Anna Seghers. In: Neue Deutsche Literatur, volume 9, 1984]

 

Informations biographiques sur Lore Wolf

1928
émigration aux États-Unis

1932
séjour en URSS

1933
retour en Allemagne. Travail illégal pour le Secours rouge international (IRH) en Hesse et dans la Sarre

1935
émigration vers la France

1940
participation à la Résistance, arrestation

1940 – 1945
déportation vers l’Allemagne, emprisonnement en prison et dans un camp de concentration

 

Chronique


1933

28 février : incendie du Reichstag

1er mars : décret d’urgence du président du Reich Hindenburg suite à l’incendie du Reichstag. Ainsi, les droits constitutionnels fondamentaux des citoyens cessèrent d’être respectés. En effet, les arrestations pour la ‹ protection du peuple et de l’État › devinrent autorisées sans indication de motifs. À la suite de ce décret, des communistes, des sociaux-démocrates et des syndicalistes furent arrêtés et emprisonnés.

Décret de l’incendie du Reichstag
Le paragraphe 2 autorise l’État à empiéter sur les droits des Länder. C’est sur cette base que l’État national-socialiste put s’établir en Hesse avec son appareil de la terreur. Il prit le contrôle de la police afin de poursuivre les ‹ opposants › identifiés par le régime.

6 mars : le groupe local du NSDAP d’Osthofen obtint 52,8 % des voix aux élections du Reichstag. La direction du parti local arrêta ensuite presque toute la faction du SPD au conseil municipal sans base légale et les emprisonna dans le hall d’une usine à papier désaffectée. Au moins 250 hommes de Worms et des environs y furent emprisonnés jusqu’au mois d’avril.

20 avril : le commissariat central de police de Hesse ordonna l’arrestation de 100 travailleurs lors d’une action policière et leur incarcération à Osthofen.

1er mai : mise en service officielle du camp de concentration d’Osthofen et libération des détenus à titre de mesure de propagande à l’occasion de la Journée nationale du travail et de la réconciliation. Le lendemain, beaucoup d’entre eux furent de nouveau arrêtés et emmenés à Osthofen.
Le Camp II fut aménagé dans un moulin à bois vide voisin pour l’exécution d’une ‹ arrestation renforcée ›. En hiver, les prisonniers furent transférés à la prison du tribunal d’instance d’Osthofen.

L’existence du camp de concentration d’Osthofen ne fut pas dissimulée ; des arrestations et des convois vers Osthofen furent rapportés dans la presse. Le camp était visible de loin par une inscription sur la façade. Il y avait même des cartes postales du camp de concentration d’Osthofen à vendre.

Vie quotidienne au camp
L’hébergement était rudimentaire et catastrophique sur le plan de l’hygiène. Il y avait trois robinets dans la cour pour les prisonniers et le hall au sol en béton était froid. Les détenus se fabriquaient des bancs et des lits et construisaient de petites cheminées qui les protégeaient tout juste du froid. Aucun prisonnier ne mourut à Osthofen. Toutefois, la terreur et l’humiliation faisaient partie du quotidien. Les Juifs furent obligés de manger du porc à Yom Kippour ou de vider une fosse de latrines avec une boîte de conserve. Ensuite, on refusa de leur donner du savon pour se laver. L’ancien chef de la police de Worms, qui fut interné à Osthofen, dut s’asseoir dans la rue devant le camp et moudre du café. Un ancien commissaire principal de Worms, un homme de deux mètres de haut, dut balayer la cour avec un balai dont le manche avait été scié. La période de détention était habituellement de deux à six semaines. Les prisonniers devaient aussi faire du travail forcé pour les nazis locaux.

Décembre : installation d’un bureau de la police d’État au premier étage du camp de concentration. Auparavant, tous les prisonniers avaient été interrogés et torturés dans la caserne SS de la Erenburgerstraße, siège de la Gestapo de Worms.

1934

4 juillet : fermeture du camp de concentration d’Osthofen en raison de la centralisation du système des camps de concentration dans tout le pays et donc de la dissolution des responsabilités régionales.

1936

Vente forcée de l’usine à papier désaffectée. M. et Mme Bühner acquirent le terrain pour leur usine de meubles existante

1942 – 1945

Utilisation des prisonniers de guerre belges

1976

Faillite de l’entreprise, location des bâtiments. Utilisation par une entreprise de recyclage. Puis l’usine fut vidée et laissée à l’abandon

1996

Inauguration du mémorial avec une ébauche d’exposition permanente

2002

Installation du Referat Gedenkarbeit (Service du travail de mémoire) et ouverture du Centre de documentation sur le nazisme de Rhénanie-Palatinat, une antenne du Centre d’éducation politique de Rhénanie-Palatinat

2004

Achèvement du mémorial