Le camp de redressement de Schirmeck, mis en service en 1940, est étroitement lié à l’annexion de l’Alsace par le Reich allemand et à la germanisation, au recrutement forcé et à la persécution des Alsaciens qui résistèrent aux mesures du régime national-socialiste. Ce fut le premier camp mis en place par les nazis en Alsace. Le 19 juin 2005, le Mémorial d’Alsace-Moselle a été inauguré à l’entrée est de Schirmeck. Le site commémoratif, situé à flanc de montagne, donne sur un espace ouvert. Celui-ci est orienté vers le mémorial du camp de concentration de Natzweiler-Struthof et doit constituer un repère visuel.
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Memorial Alsace-Moselle
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67130 Schirmeck
France
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Tous les jours de 9:30 h à 18:00 h
Le camp de redressement mis en place par les nazis dans le quartier de La Broque à Schirmeck (Vorbruck en allemand), est l’un des camps oubliés de la terreur national-socialiste. Schirmeck était un camp de rééducation pour les habitants de l’Alsace annexée par l’Allemagne nazie en juin 1940. Ceux qui refusaient d’abandonner leur langue et leur culture malgré leur intégration forcée dans la ‹ communauté populaire › national-socialiste y étaient emprisonnés en vue de leur ‹ amélioration › et furent ainsi soumis à la terreur de leur nouvelle ‹ patrie ›. Leur résistance découlait, entre autres, de l’interdiction faite par le gauleiter Wagner, le 6 août 1940, de parler français et du remplacement de tous les noms français par des noms allemands.
La plupart des bâtiments du camp de Schirmeck furent démolis ou transformés après 1945. Un lotissement a été construit sur le site. Cependant, aujourd’hui encore, on voit clairement l’endroit où se dressait le camp. L’ancienne Kommandantur du camp et l’ancien atelier construit par les prisonniers ont été conservés et sont également utilisés comme bâtiments résidentiels. De même, Les usines situées à côté du camp, qui furent utilisées par Daimler-Benz pour la production d’armement et dans lesquelles les prisonniers de Schirmeck effectuaient du travail forcé, existent toujours.
Une petite plaque sur le pignon de l’ancienne Kommandantur commémore le premier camp nazi en Alsace.
Le Mémorial Alsace-Moselle a été inauguré en 2005. À l’intérieur du bâtiment, l’histoire de la frontière Alsace-Lorraine de 1871 à 1945 est retracée sur 3.000 mètres carrés de surface d’exposition. L’histoire de la région Alsace-Moselle de 1871 à 1939 est relatée en mots et en images. Les stations audio laissent également la parole aux habitants, qui racontent leur vie dans la région frontalière franco-allemande. Un guide audio disponible en plusieurs langues fournit des informations sur l’histoire de la région frontalière et ses habitants.
L’époque où près de 600.000 personnes furent évacuées dans la ‹ zone rouge › de la région frontalière après le début de la Seconde Guerre mondiale est illustrée par une gare ferroviaire avec une salle d’attente et plusieurs compartiments de train. Ils sont accompagnés par des entretiens avec des témoins de l’époque et des documents cinématographiques historiques.
Une autre partie de l’exposition utilise l’image d’un tunnel souterrain de la ligne Maginot. Il symbolise ce que l’on appelle la ‹ drôle de guerre › (en allemand ‹ Sitzkrieg ›, ou ‹ guerre assise ›), dans laquelle les soldats allemands et français se cachaient les uns des autres dans des positions souterraines sans qu’une bataille ouverte n’ait eu lieu.
Plusieurs sections de l’exposition traitent de l’invasion de la France par la Wehrmacht allemande le 10 mai 1940 et de l’occupation et de l’annexion subséquentes de l’Alsace et de la Lorraine. Elles décrivent la germanisation et le recrutement forcé, ainsi que la résistance et les persécutions, mais aussi la collaboration qui en résultèrent. Les camps de Schirmeck et de Natzweiler-Struthof, lieux de terreur et d’exclusion, font également partie de la documentation sur l’occupation allemande de la région Alsace-Moselle.
Le visiteur découvre la guerre sur la scène d’un champ de bataille et retrouve son chemin vers le présent à travers les sections qui symbolisent la libération, l’après-guerre et le retour à la vie quotidienne d’aujourd’hui. L’époque actuelle est dédiée à la réconciliation franco-allemande et au développement d’une Europe unie.
Histoire du camp
Environ 25.000 personnes furent emprisonnées à Schirmeck entre 1940 et 1944. Parmi elles se trouvaient des gens qui avaient été placés en détention préventive par la Gestapo de Strasbourg et qui restaient enfermés une à trois semaines. Les prisonniers placés en détention préventive restaient dans le camp jusqu’à leur procès. Plus de la moitié des détenus restèrent emprisonnés pendant trois à six mois sur ordre de la Sicherheitspolizei (Sipo, police de sécurité) et du Sicherheitsdienst (SD, service de renseignement et de maintien de l’ordre de la SS) de Strasbourg. Pendant cette période, ils devaient être ‹ rééduqués pour devenir des compatriotes ›. À leur libération, ils furent contraints de signer un engagement par lequel ils promettaient de garder le silence sur leur emprisonnement dans le camp.
Outre les Alsaciens, des Américains, des Scandinaves et des Européens de l’Est furent également emprisonnés. Durant l’existence du camp, du 26 août 1940 au 10 novembre 1944, il y eut officiellement 76 décès. On estime cependant qu’environ 500 prisonniers furent assassinés dans le camp ou sont morts des suites d’une maladie ou de mauvais traitements. Ils furent soit remis à leurs proches, soit enterrés dans une fosse commune au Nouveau Cimetière catholique de La Broque. Après la mise en service du four crématoire du camp de concentration de Natzweiler-Struthof, des cadavres de Schirmeck y furent brûlés.
La vie quotidienne du camp était marquée par la brutalité et l’arbitraire. L’endroit était surnommé « le Cirque de Buck », d’après le nom du commandant, ce qui en dit long sur le harcèlement et l’humiliation qu’enduraient les détenus. Par exemple, les prisonniers étaient obligés de participer au ‹ sport du camp › également pratiqué au camp de torture de la Neue Bremm. Ils devaient sauter sur commande, s’allonger dans des flaques d’eau et ramper sur le sol.
60 policiers étaient chargés de la protection du camp, dont quatre gardes pour le camp des femmes. Environ 100 agents de police étaient employés dans l’administration du camp. On suppose qu’environ 1.000 hommes et 250 femmes furent emprisonnés dans le camp de Schirmeck. Les hommes étaient affectés à la construction de routes : plusieurs prisonniers devaient tirer un rouleau. Les femmes étaient employées pour les travaux de blanchisserie et de couture.
Information: camps de redressement et d’éducation
Pour rééduquer les Alsaciens en membres de la communauté du peuple allemand, un camp de redressement et d’éducation fut installé dans les casernes de Vorbruck / La Broque et mis en service le 2 août 1940.
Officiellement, le camp n’était pas un camp de concentration et n’était pas soumis au bureau principal de la sécurité du Reich à Berlin. Toutefois, comme dans le camp de la Gestapo de la Neue Bremm à Sarrebruck, ce n’étaient pas l’ordre et la justice qui y régnaient, mais l’arbitraire et la terreur dans une mesure digne d’un camp de concentration. Le camp dépendait de l’administration des prisons d’Alsace-Lorraine. Elle servait également de ‹ prison de police ›, selon l’euphémisme de la propagande nazie. La police et la Gestapo pouvaient y envoyer des personnes en détention préventive pour une durée limitée, sur ordonnance ou sur décision de justice.
On y trouvait en particulier des Alsaciens qui refusaient de se germaniser et continuaient à parler français ou à porter un béret. Cependant, entre 1940 et 1944, d’autres groupes de prisonniers y furent également incarcérés. Il s’agissait notamment de tous ceux qui s’opposaient aux forces d’occupation, qui avaient fui le service militaire ou qui avaient participé à des évasions, mais on y enfermait aussi des mendiants, des membres du clergé, des homosexuels, des prostituées ou des trafiquants. Des Sintis et des Roms furent également emprisonnés à Schirmeck avant d’être déportés vers la zone libre de la France.
Le camp se composait de onze casernes de prisonniers et de cinq autres bâtiments (garages, ateliers, postes de garde) ainsi que d’une aire d’appel. En 1943, une salle des fêtes pour environ 2.000 personnes y fut ajoutée. Au rez-de-chaussée du bâtiment se trouvaient 26 cellules de détention d’une superficie de deux mètres carrés pour l’isolement renforcé des prisonniers. En outre, le camp se composait d’un poste de garde principal, de la Kommandantur, d’un bâtiment d’interrogatoire et, comme dans le camp de la Neue Bremm à Sarrebruck, d’une cantine ouverte au public. L’ensemble du complexe du camp était sécurisé par une double clôture en fil barbelé de deux mètres de haut et quatre tours de guet équipées de mitrailleuses. Un brise-vue installé à l’extérieur empêchait de regarder à l’intérieur du camp.
Témoins contemporains
L’ancien détenu Pierre Seel, alors jeune Alsacien de 17 ans, raconte ce qui se passait dans le camp de sécurité de Schirmeck, où il fut enfermé en raison de son homosexualité. Citation tirée de l’autobiographie Moi, Pierre Seel, déporté homosexuel, parue en 1996, pages 39, 41, 51 à 53 :
Aucune des horreurs de Schirmeck ne m’a été épargnée. Sous les hurlements des SS, j’ai dû exécuter toutes sortes d’ordres dangereux ou simplement stupides ainsi que des tâches fastidieuses ; je suis vite devenu leur jouet sans volonté. On nous arrachait au sommeil à six heures du matin. Nous dévorions à la hâte une mixture indéfinissable avec une petite tranche de pain de munition, guère plus qu’un morceau de pain noir sec ou moisi. Après l’appel, la plupart d’entre nous s’installaient dans les carrières environnantes, où nous extrayions des pierres de la roche et les chargions sur des camions à benne. Les SS étaient toujours accompagnés de bergers allemands pour nous empêcher de nous enfuir dans la forêt dense. (…) Vers midi, on nous servait une soupe diluée avec un morceau de saucisse. Puis le travail reprenait jusqu’à dix-huit heures. À notre retour au camp, nous étions fouillés de fond en comble. Ensuite, nous nous retirions dans nos baraquements. Notre journée se terminait avec deux louches de soupe au chou. Il y avait un dernier appel, puis nos baraquements étaient fermés à double tour. Les patrouilles de nuit commençaient, même si le soleil n’avait pas encore disparu derrière les montagnes. Épuisé et désemparé, je tentais de capter un regard, d’échanger quelques mots avec l’un de ces fantômes qui étaient tout aussi exténués que moi. Mais très vite, j’y renonçai. Je compris que tout contact était impossible, voire dangereux : le camp était comme une fourmilière dans laquelle chacun n’accomplissait que sa propre tâche. (…) Un jour, les haut-parleurs nous convoquèrent séance tenante sur la place de l’appel. (…) Il s’agissait en fait d’une épreuve autrement plus pénible, d’une condamnation à mort. Au centre du carré que nous formions, on amena, encadré par deux SS, un jeune homme. Horrifié, je reconnus Jo, mon tendre ami (…). Je ne l’avais pas aperçu auparavant dans le camp. Était-il arrivé avant ou après moi ? Nous ne nous étions pas vus dans les quelques jours qui avaient précédé ma convocation à la Gestapo. Je me figeai de terreur. J’avais prié pour qu’il ait échappé à leurs rafles, à leurs listes, à leurs humiliations. Et il était là, sous mes yeux impuissants qui s’embuèrent de larmes. Il n’avait pas, comme moi, porté des plis dangereux, arraché des affiches ou signé des procès-verbaux. Et pourtant il avait été pris, et il allait mourir. Ainsi donc les listes étaient bien complètes. Que s’était-il passé ? Que lui reprochaient ces monstres ? Dans ma douleur, j’ai totalement oublié le contenu de l’acte de mise à mort. Puis les haut-parleurs diffusèrent une bruyante musique classique tandis que les SS le mettaient à nu. Puis ils lui enfoncèrent violemment sur la tête un seau en fer blanc. Ils lâchèrent sur lui les féroces chiens de garde du camp, des bergers allemands qui le mordirent d’abord au bas-ventre et aux cuisses avant de le dévorer sous nos yeux. Ses hurlements de douleur étaient amplifiés et distordus par le seau sous lequel sa tête demeurait prise. Raide et chancelant, les yeux écarquillés par tant d’horreur, des larmes coulant sur mes joues, je priai ardemment pour qu’il perde très vite connaissance. Depuis, il m’arrive encore souvent de me réveiller la nuit en hurlant. Depuis plus de cinquante ans, cette scène repasse inlassablement devant mes yeux.
Information : Exclusion et persécution des homosexuels sous le Troisième Reich
En 1935, l’article 175 du code pénal (Reichsstrafgesetzbuch) fut renforcé en Allemagne. Près de 100.000 hommes furent enregistrés par la police dans les ‹ listes roses ›. 50.000 furent condamnés. Les conséquences allèrent d’admissions dans des établissements psychiatriques jusqu’à des castrations forcées. 10.000 à 15.000 homosexuels furent déportés par les nazis dans des camps de concentration. Environ la moitié d’entre eux moururent. Des expériences humaines furent menées dans le but de faire des ‹ recherches › sur les causes de l’homosexualité.
À l’automne 1939, le gouvernement français érigea six casernes en bois à l’entrée du village de La Broque, sur la route départementale 392, dans la vallée de la Bruche. Après le début de la Seconde Guerre mondiale, le 1er septembre 1939, les habitants de la ‹ zone rouge › touchée par les évacuations dans la zone frontalière franco-allemande devaient y être logés. Cependant, la plupart des quelque 600.000 personnes concernées furent transférées dans le sud-ouest de la France. L’armée française utilisa les bâtiments comme centre de soins d’urgence et comme hôpital.
L’invasion de la France par les troupes allemandes en juin 1940 fut suivie de l’annexion de l’Alsace qui, avec les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, devint le gau de Bade-Alsace. Le gauleiter de Bade-Alsace était Robert Wagner. Sa mission consistant à germaniser la population et à la mettre en conformité avec ce qui était attendu. Mais seuls quelques Alsaciens rejoignirent le NSDAP ou se portèrent volontaires pour la Wehrmacht ou la Waffen-SS. Face aux lourdes pertes de l’armée causées par la défaite de Stalingrad et la poursuite de la guerre, le gauleiter Wagner, comme ses collègues Simon au Luxembourg et Bürckel en Lorraine, mit en place le service militaire obligatoire au Luxembourg. En contrepartie, les recrues potentielles s’étaient auparavant vu accorder la nationalité allemande en violation du droit international.
Un grand nombre de recrues forcées échappèrent à la mobilisation en fuyant vers la partie inoccupée de la France, en passant par les postes-frontières. Près de Schirmeck, l’ancien chemin de contrebande entre Salm et Moussey était utilisé pour fuir l’Alsace.
Sur les quelque 130.000 Alsaciens et Mosellans qui furent enrôlés dans la Wehrmacht, seuls 40.000 survécurent à la guerre. Environ dix pour cent des victimes de la guerre en France venaient de la région Alsace-Moselle. Il s’agit d’un pourcentage élevé, car la population de la région ne représentait que quatre pour cent de la population française totale.
La dissolution du camp commença à la fin du mois d’août 1944. Les prisonniers furent transférés à Rotenfesl, dans la commune de Gaggenau, où il existait déjà un commandement externe du camp. Les détenus devaient effectuer du travail forcé à l’usine Daimler-Benz de Gaggenau. Le dernier convoi de prisonniers quitta Schirmeck le 22 novembre 1944. 300 femmes restèrent en prison.
Le camp fut libéré le 24 novembre à 8 h 30 par l’entrée d’un char américain.
Du 1er janvier 1945 au 31 décembre 1949, les casernes servirent de camps d’internement pour les collaborateurs.
Sorties commémoratives et visites guidées du camp. Projet de construction d’un musée.
Ébauche du plan d’un musée. Vente du terrain et construction d’un lotissement par-dessus le camp. Construction d’un site commémoratif national sur le site de l’ancien camp de concentration de Natzweiler-Struthof.